La Banque du Pape
ou
Taxes de la chancellerie romaine
Dans laquelle l'absolution des crimes les plus énorme se donne, pour de l'argent
Les indulgences sont dénoncées d'abord par John Wyclif (1320-1384) et Jan Hus (1369-1415), qui remettent en cause les abus. Parmi ceux-ci, on peut citer l'indulgence accordée en 1506 pour quiconque aiderait à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre. C'est également l'époque du scandale lié au dominicain Johann Tetzel, chargé en 1516-1517 de vendre les indulgences au nom d'Albert de Brandebourg, archevêque de Mayence, intéressé à la vente par une commission de 50% promise par la Curie. On lui attribue alors le slogan : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel’aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du Purgatoire »). La pratique des indulgences est donc de plus en plus perçue comme une forme de corruption au cours du XVIe siècle.
Martin Luther attaque, quant à lui, le principe même de la pratique dans ses 95 thèses de Wittenberg : selon lui, seul Dieu peut justifier les pécheurs. Il dénonce à la fois les indulgences pour les âmes du Purgatoire (thèses 8–29) et celles en faveur des vivants (thèses 30–68). Dans le premier cas, les morts étant morts, ils ne sont plus tenus par les décrets canoniques — à terme, c'est le Purgatoire lui-même qui est remis en cause. À ce sujet, Luther s'élève également contre le marchandage des indulgences et accuse l'Église de profiter de la peur de l'Enfer : « Ils prêchent l'homme, ceux qui disent qu'aussitôt tintera l'argent jeté dans la caisse, aussitôt l'âme s’envolera [du Purgatoire] » (thèse 27). Dans le deuxième cas, Luther souligne que la repentance seule vaut rémission des peines, sans nul besoin de lettres d'indulgence. Au contraire, selon lui, l'indulgence détourne les pécheurs de leur véritable devoir, la charité et la pénitence.
D'après un extrait du livre des Taxes de la chancellerie romaine cité par "Histoire de la réformation française"
F. PUAUX Tome 1, page 15 (1859)
- L'absolution pour celui qui révèle la confession de quelque pénitent est taxée à sept carlins.
- L'absolution pour celui qui abuse d'une jeune fille est taxée à six carlinsE:Creator
- L'absolution pour un prêtre concubinaire est taxée à sept carlins.
- L'absolution pour un laïque coupable du même fait est taxée à huit carlins.
- L'absolution pour celui qui a tué son père, sa mère, son frère, sa sœur, sa femme, ou quelque autre parent ou allié, laïque néanmoins, est taxée à cinq carlins.
- L'absolution pour un laïque présent qui a tué un abbé ou un autre ecclésiastique inférieur à l'évêque, est taxée à sept, à huit ou à neuf carlins.
- L'absolution pour un mari qui frappe sa femme de manière qu'il en survienne un avortement ou une couche avant terme, est taxée à huit carlins.
- L'absolution pour une femme qui prend quelque remède pour se procurer l'avortement, ou qui fait quelque autre chose dans ce dessein et qui fait périr le fœtus, est taxée à cinq carlins.
- Le père, la mère, ou quelque autre parent qui aura étouffé un enfant, paiera pour chaque meurtre quatre tournois, un ducat, huit carlins.
- Celui qui a commis quelqu'un de ces crimes (sacrilèges, vols, incendies, parjures ou autres semblables) est pleinement absous, et son honneur rétabli dans toutes les formes et avec la clause inhibitoire, moyennant trente-six tournois et neuf ducats.
- L'absolution pour tout acte d'impureté, de quelque nature qu'il soit, commis par un clerc, fût-ce avec une religieuse, dans le cloître ou ailleurs, ou avec ses parents ou alliées, ou avec sa fille spirituelle, ou avec une autre femme, quelle que ce soit; soit aussi que cette absolution soit demandée ou non du clerc simplement, ou de lui ou de ses concubines, avec dispense de pouvoir prendre les ordres et tenir des bénéfices. et avec la clause inhibitoire, ne coûte que trente-six tournois et neuf ducats.
- L'absolution d'un laïque pour crime d'adultère donné au for de la conscience, coûte quatre tournois.
- Une religieuse qui sera tombée plusieurs fois dans le péché de luxure aura son absolution et sera rétablie dans son ordre, quand même elle serait abbesse, moyennant trente-six tournois, neuf ducats.
- L'absolution pour un prêtre qui tient une concubine, avec dispense de pouvoir prendre les ordres et tenir des bénéfices, coûte vingt et un tournois., cinq ducats, six carlins.
- S'il y a adultère et inceste de la part de laïques, il faut payer par tête six tournois
- La permission de manger des laitages dans les temps défendus coûte, pour une seule personne, six tournois.